1990
Je cours, je cours avant de savoir marcher. Je ris tout le temps, je ris fort, rapidement je sais me faire comprendre, je sais dire « pardon pousse toi ». J’habite un quartier où la mixité sociale est une réalité. Mes potes sont moitié kabyles, moitié américains, moitié vietnamiens, moitié japonais. A l'époque déjà on regardait des cassettes vidéos d'import, et évidemment je comprends les dessins animés, où est le problème ?! Mes potes sont des garçons, tous – les filles sont trop molles et trop gnan-gnan.
Mon quartier est un peu une jungle, c’est vrai – du genre où les mamans te font dégager de la balançoire à coup de pied au cul pour y mettre leur fils. Mais je n’ai pas peur, je suis le rambo des bacs à sable.
Je crois que la Mairie du dix-huitième, c’est un peu comme l’Amérique du Sud
Je bats un record historique : la première petite section à réussir à prendre le toboggan pendant la récré, alors que ce sont les grands qui y font la loi. Je suis fière, très fière de ce genre d’exploit.
Je cours, toute la journée, je déborde d’énergie, je suis toujours surexcitée. Je veux tout faire, je veux tout apprendre, je veux qu’on m’écoute et qu’on s’intéresse à moi. L’école a du mal à s’adapter à ma vitalité et, pour Noël, je demande une mitraillette pour tuer la maîtresse. Au grand dam de mes parents, j’en reçois une (merci grand mère !). J’empêche mon frère de dormir, mais pourquoi aurait-il envie de faire la sieste alors qu’il peut jouer avec moi ? J’apprends par le chemin le plus dur ce qu’est un drame familial, ou même deux, mais contrairement à ce que veulent nous faire croire les téléfilms, la vie ne s’arrête pas pour autant. Surtout pour moi, qui cours sur le macadam, qui ai assez d’énergie pour dévorer le monde, pour moi qui ai quatre ans.
|