Ma vie sur des rails
Au Japon, vivre en banlieue prend une toute autre dimension. Tous les matins, musique aux oreilles, j'intègre un train déjà bondé en provenance de Chiba - l'une des grandes cités dortoirs voisines, qui déverse son lot quotidien de salary men et d'office ladies sur Tokyo. Pendant une heure et pour 450 yens, je révise mes cours pris en notes dans un tout petit carnet, facile à lire même dans la foule, ou je lis quelques pages supplémentaires des Chroniques de l'Oiseau à Ressort. Si j'ai le luxe de trouver une place assise, je peux profiter de quelques précieuses minutes de sommeil supplémentaires - les jingles innombrables me réveilleront toujours au bon moment. Au bout de 40 minutes de trajet, le train franchit une première connexion avec la Yamanote, cette ligne circulaire qui définit le centre de Tokyo. La majorité des voyageurs transfèrent à ce moment, et je peux à coup sûr profiter du souffle des climatiseurs pendant 20 minutes supplémentaires. A défaut d'habiter près de mon école, j'ai la chance d'être sur une ligne directe.
La nuit, c'est un peu différent. Les trains se font plus rares, ils ne traversent plus Tokyo de part en part, ils changent leur habitudes et cohabitent sur une même plateforme. Il faut donc naviguer habilement à travers la foule, la fatigue et l'alcool pour trouver la rame qui me ramènera vers mon futon, et éviter de jouer les Cendrillons, histoire de ne pas rater le train de minuit et passer la nuit dans un manga café d'Akihabara.
J'habite au dessus de ma gare. C'est pratique pour ne pas avoir à courir le matin, c'est aussi utile pour les amis de passage dans ma banlieue qui remarquent depuis ma fenêtre : "il n'y a eu des trains que dans un sens dans la dernière demi heure, et pas dans le bon... je peux passer la nuit ici?" Le ronronnement des trains et les annonces micro régulières donnent une toute autre profondeur au silence qui règne entre 1h et 4h30 du matin.
Comme je suis une fille de la ville et qu'il est hors de question que je passe une minute de plus que nécessaire dans ma banlieue, je passe une bonne partie de ma vie sur les rails. Pour savoir ce qui passe par mes oreilles, allez donc écouter la playlist chataîgne et kabocha de Gwen.
(Comme c'est pratique d'avoir des amis qui bloguent. Pour aller avec la musique, si vous en avez marre de mon Japon éthéré et préférez la version épique de nos week-ends, allez lire Wally. Pour les images superbes qui vont avec, ça se passe chez Robin. Quelle idée d'aller au Japon et de devenir copine avec les garçons les plus grands de l'île... ça fait mal au cou.)
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