10.09.2007

De l'aventure


Il y aura dès demain soir : une nuit trop courte, sans doute inconfortable, mais négociée âprement à un tarif imbattable dans un bus de nuit vers Matsushima. Il y aura de l'aventure.


Quand on formule des voeux, on devrait faire attention à ce qu'on demande, parce qu'ils risquent bien de s'exaucer... Quand on demande de l'aventure, on en reçoit puissance 10 000, et évidemment pas là où on l'attendait - sinon ça ne serait pas vraiment de l'aventure. Voyons un peu sur une échelle de 1 à 10 où se situe notre week-end.

Une sortie de gare inexistante où on s'était donné rendez-vous : coefficient aventure 2/10

Une nuit au sommeil épars (1/10)

Une ville où il est impossible de petit-déjeuner à 5h du matin, à moins de vouloir du curry (3/10)

Trouver le bus, acheter les tickets, descendre au mauvais arrêt et marcher une heure dans la campagne en ayant faim (3/10)

Trouver le bus qui va jusqu'au bon arrêt, grimper la montagne à en avoir les jambes qui vous haïssent à vie, se rendre compte que monsieur Planète Solitaire est bien gentil mais la grimpette ne prend pas 3 heures, mais plutôt le double (7/10)

Redescendre à toute vitesse à s'en esquinter les genoux et à en déraper dans les ruisseaux, être tout de même rattrapés par la nuit (9/10)

Se tromper de chemin dans le noir (10/10)

Retrouver le bon chemin, rejoindre la route (une vraie, avec du goudron et tout), rallumer son téléphone et constater, ouf, il n'est que 18H30, puis apprendre que le dernier bus a quitté l'endroit à 14h07 (6/10)

Décider de faire du stop, se rendre à l'évidence : nous sommes sur une route de campagne au fin fond du Nord du Japon, voir passer pas moins de 3 voitures en 2h de marche (7/10)

D'après les connaisseurs la quatrième aurait été la bonne mais c'est finalement un bus de nuit inespéré qui croise notre chemin ; monter dans le bus jusque parce qu'on sait lire le dernier kanji du nom du terminus : gare, et une gare c'est toujours bon à prendre quand on est sans moyens de transport (6/10)

Se retrouver effectivement devant une gare, mais dans un village encore plus petit que celui qu'on vient de quitter (5/10)

Oh joie, il y a encore un train (un seul!) mais dans 2h30 (4/10)

Trouver l'unique resto du village... qui a arrêté de servir il y a 10 minutes (5/10)

Ils sont gentils et font une exception devant notre air misérable, je ne vais pas faire ma relou, je commande le menu crevettes et laisse les crevettes. Question à la serveuse : peut-on dormir dans les environs??? Réponse : je crois qu'il y a un Love Hotel à 20 minutes d'ici... 20 minutes à pieds? Non, en voiture bien sûr (6/10)

On prendrait pas ce dernier train, finalement? Passer quelques coups de fil et apprendre que tous les hôtels listés par Monsieur Planète Solitaire sont complets cette nuit-là (9/10)

S'asseoir dans la gare, prêts à attendre et advienne que pourra, et voir arriver un gentil Japonais : bonsoir, vous allez pas attendre ici une heure quand même? Je vous dépose où? Monter en voiture avec le Gentil Japonais qui se débrouille tant bien que mal pour entretenir la conversation (oui, oui, 100% nihongo) le temps de se rendre à la grande ville voisine (8/10) et de nous dénicher un hôtel normal (boring! 1/10)




Le reste est finalement très banal : entretenir la confusion pour obtenir un lit double, moins cher que la chambre à deux lits, retrouver le Gentil Japonais et sa Petite Amie pour fréquenter les onsens que Monsieur Planète Solitaire ne connait pas (et donc délaissé des touristes), sentir le souffre pour le reste de la journée, aller voir un volcan dans la province voisine et voir surtout de la brume, tomber par hasard sur un festival de danse traditionnelle et sur le meilleur joueur de shamisen du monde, marcher de nuit dans l'odeur de la plage, de la pluie et des pins, sourire aux étoiles, être réveillés par un appel micro "il est sept heures, le petit déjeuner sera servi dans une demi-heure et jusqu'à 8h30!" (tout le charme des auberges de jeunesse à la Japonaise), passer outre les accents incompréhensibles pour discuter avec sa voisine de chambre et lui donner des conseils avisés (...alors comme ça tu voyages seule au Japon, sans parler Japonais et tu es végétarienne? Tiens donc...), escalader des montagnes, longer des côtes, prendre des bateaux pour touristes, se faire attaquer par les mouettes, boire du thé, voir des temples, descendre du train au bon arrêt à la dernière seconde, avoir des conversations douloureuses et libératrices, boire un peu trop dans l'espoir de mieux dormir dans le bus sous la clim, atteindre Tokyo à 5h15 et compter : en tenant compte du trajet en train, je peux encore profiter d'une heure et vingt minutes de sommeil avant le début des cours... Ca ira.

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