Des pousses trop jeunes
Depuis quelques jours trainent dans ma tête une envie d'écrire, et une idée de nouvelle. Parfait, non? Alors je me pose sur le canap' avec mon carnet et le crayon piqué à l'Homme de l'Est il y a longtemps (et qu'il ne reverra sans doute jamais vu qu'il a gardé mon collier, faut pas déconner non plus). Mais non. Les mots ne passent pas de la mine à la page. J'ai beau détailler l'intrigue, connaitre mes personnages, visualiser les scènes clés, ça ne prend pas. Trop facile, déjà fait, décousu, pas assez mûr.
Depuis quelques semaines traine dans ma tête l'envie d'ouvrir un blog de plus. Plus thématique, sans doute plus informatif, surement plus intéressant à partager avec des inconnus. Mais je ne cerne pas encore bien ses limites potentielles, je ne sais pas si je tiendrai le rythme nécessaire pour l'alimenter, je ne suis pas sure de pouvoir faire du neuf sur le sujet.
Depuis quelques mois traine dans ma tête une envie de changer certaines clés de ma vie. Après des débuts en fanfare vite essouflés, je repars tout doucement, petit à petit, en laissant venir les réponses aux questions que je me pose, en prenant le temps d'installer des habitudes, en assimilant doucement la masse d'information qui m'est offerte aux quatre coins d'internet, en piochant à droite à gauche des idées, de toutes petites idées, mais qui s'agencent gentiment comme les pièces d'un puzzle. Personne n'a jamais fini un puzzle en martelant les pièces pour qu'elles s'embriquent dans leur voisine. (Ou alors après ca ressemble plus à grand chose.)
De par certains choix faits il y a plusieurs années, je fréquente une quantité de gens un peu speed, un peu fatigants, vous savez, la catégorie des hyper enthousiastes, ceux qui ont un million d'idées à la minute, qui parlent trop, trop vite, trop fort, qui finiront jeunes cadres dynamiques aux dents longues ou multi-entrepreneurs - si ce n'est déjà fait.
J'ai souvent envié ces personnes, l'aisance avec laquelle ils peuvent captiver une foule d'inconnus, le dynamisme qu'ils affichent en permanence. De la même façon qu'au lycée, je rêvais de faire partie de la bande des gens cools, jusqu'à ce que j'y parvienne et que je parte avec eux en vacances (quel souvenir détestable.) Il m'aura fallu du temps pour en prendre conscience, mais aujourd'hui je sais que je ne fonctionne pas comme ça. Il me faut le temps de la réflexion. Le temps des rêves. Quand une idée me tombe dessus, je lui laisse aujourd'hui le temps de germer, de grandir toute seule, de se nourrir de mon environnement pour ne la récolter qu'une fois mûre.
Certaines ne poussent jamais - tant pis.
D'autres pourrissent sur pied.
Beaucoup ne font pas de fruits, et restent belles dans ma tête seulement.
Les autres, les survivantes, les idées vraiment bonnes ne me demandent plus aucun effort : elles ont été semées il y a si longtemps qu'il leur suffit de trois gouttes d'eau et d'un rayon de soleil pour prendre racine toutes seules. Aucun effort à faire, ou presque.
A une époque je m'en voulais de ne pas mettre en place toutes mes idées. Rien que la pensée de tous ces projets potentiels me submergeait. Trop de possibilités.
"Mais si je fais des maths autant que je voudrais, je n'aurais plus de temps pour la peinture, et le dessin, et la photo?"
"Comme j'aimerais être capable d'écrire cette histoire, elle pourrait être vraiment belle"
"Si seulement j'avais la volonté d'organiser ce voyage..."
"Ce serait cool si je savais parler Japonais... Ah, soyons réaliste, j'arrive à peine à maintenir mon niveau d'espagnol..." (c'était il y a 7 ans)
Mais j'ai fini par apprendre à prendre mon temps (et à comprendre que les gens cools n'étaient pas spécialement plus intéressants que les autres, loin de là). Il est pas impossible que j'écrive cette nouvelle un jour. Peut-être que j'ouvrirai cet autre blog. Je continuerai sans doute à évoluer vers une vie qui me sied mieux. Mais seulement si elles poussent d'abord.
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