1.03.2008

un road trip pour le Nouvel An

C'est assis tout à l'avant du train au retour de Hakone qu'on s'est décidés vraiment. Quelques détails, finalement, l'idée étant de ne rien vraiment décider. Simplement, trouver une carte complète du réseau de train, remplir un sac à dos de nourriture, de vêtements propres et d'appareils photos, programmer une playlist appropriée sur les lecteurs mp3. Et puis se retrouver samedi matin, à l'entrée Sud de Shinjuku, pour prendre un train qui irait à peu près vers l'ouest.

Shinjuki, Ôkubo, Higashi-Nakano.

Nous ne prenons que les lignes locales, les trains lents, ceux qui vont sur les toutes petites lignes, et lentement nous regardons changer le paysage.

Toyada, Hachiôji, Nishi-Hachiôji, Takao.

Sur mes genoux, mon carnet à dessin, sur les siens, livre et appareil photo. Les autres passagers se font de plus en plus rares, jusqu'à nous laisser un train pour nous tous seuls.



Changer à Kobuchizawa. Kai-Koizumi, Kai-Ôizumi, Kiyosato.



J'ai revu sous la neige des paysages que j'avais connus sous la chaleur étouffante de l'été, il y a 18 mois. J'ai regardé s'éloigner des routes de montagnes que j'avais parcourues longuement sac au dos, pendant mon unique jour de congé hebdomadaire.

Nous avons cherchés dans des villages minuscules un endroit où manger. Ce qui à Tokyo nous prend déjà souvent des heures est ici simplifié par un nouveau facteur limitant : la quasi-absence de restaurants. Heureusement que, finalement, nous ne sommes pas difficiles tant que la serveuse comprend trois formules - chiizu nashi, niku nashi, sakana mo dame.

Nakasato, Sakudaira. Arriver en bout de ligne et payer chacun pour 20 minutes de Shinkansen ce qu'on paye pour 2,5 jours de voyage. Nagano.



Nous trouvons pour la nuit un ryôkan, auberge traditionnelle, et nous en profitons parce qu'on peut. Parce qu'on sait qu'il y aura plus tard des chambres minuscules, Odeur de tatami et de feuilles de thé vert sèches, douceur lourde des futons - la seule chose qui fasse vraiment barrière à l'hiver Japonais dans des maisons à l'isolation inexistante. Ca et les onsens brûlants.

De Nagano à Naoestu, puis de Naoestu à Kanazawa, le long de la mer du Japon. L'eau y est d'un bleu clair, presque turquoise, qu'on associe plus facilement aux plages tropicales qu'aux chutes de neiges. Apres négociations à l'office du tourisme pour deux places dans le petit bus, pas celui qui va sur l'autoroute, celui qui longe la côte de la péninsule de Noto, qui prend 4 heures au lieu de 2 et permet de se geler le nez au bord de la plage. Faire la liste des résolutions tenues (non), de celles qu'on va tenir (bien sûr!) et des événements remarquables de l'année qui s'achève ("Alors, je suis ton moment le plus triste ou le plus heureux?")



Passer la nuit dans un village encore plus petit que ceux qu'on a traversés. Secouer la neige des manteaux, mettre les chaussures à sécher et se souhaiter la bonne année sans sortir de sous les futons, en réveillonnant de 2 glaces et une tasse de thé vert.



Un voyage ne serait pas drôle sans imprévus. Bonne année! Votre carte de retrait ne fonctionne plus! Vous l'aviez fait refaire il y a une semaine? Ho, c'est bête, hein... Alors on met en commun les yens qu'il restent, on fait la liste des dettes et on repart.

Toyama. Inotami. Takayama. Gero. Mino-Ôta.

Nous sortons les dictionnaires et nous amusons des noms des lieux traversés - la vallée des sangliers, le derrière salé, la montagne de la fortune. Nous négocions l'absence de bataille de boules de neiges. Nous attendons une correspondance en marchant, neige jusqu'aux genoux, le long d'une rivière où la glace commence à prendre. Le soleil apparaît, les arbres se secouent, un parapluie meurt sous les chutes de neige humide et son cadavre est abandonné près d'une poubelle. Déchêt non combustible.

Les trains roulent toujours entre les lacs qui reflètent parfaitement la montagne d'en face, entre les couchers de soleils, dans le noir entre les love hotels de la balieue lointaine de Nagoya. Un changement de plus malgré l'heure tardive, le jeu étant de voir si on est capable de trouver n'importe où un endroit où dormir. (Réponse : oui.)

Après la nuit à Tajimi, c'est la dernière ligne droite, ou presque, de la Chuo-Sen. Celle qui va jusque chez moi, même si ça lui prend toute la journée. On mange debout dans une gare qui ressemble aux autres des nouilles dans un bouillon chaud. Moi : soba aux légumes de montagne. Lui : udon et champignons. Il paraît que j'ai de l'influence. On commence à trouver le temps long. Et puis au détour d'un col, on aperçoit un sommet blanc à la silhouette familière, et on sait que quand le Mont Fuji est si bien visible, c'est qu'on n'est plus très loin de la maison...



Nous remarquons en ricanant que ce n'est pas si mal que le voyage se termine enfin, comment des gens commes nous pourraient-ils supporter de passer plus de 24x6=144 heures ensemble?

Toyoda, Kunitachi, Kokubunji, Mitaka. Les noms deviennent familiers, on y est presque.

Et puis finalement, alors que le train se remplit de banlieusards qui quittent le travail de bonne heure, on se dit qu'on pourrait peut-être dîner ensemble? 146 heures, ca devrait être faisable.

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